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Michael Jackson "Xscape"

Updated: Aug 22, 2021

Michael Jackson, La vérité au sujet de ces éditions posthumes ?


@ Mr Brainwash, Xscape, digital art work

Quelle(s) vérité(s) ?

Parce qu’il me semble, d’emblée, que c’est au pluriel qu’il faudrait conjuguer la chose…Ses « vérités » à lui ? Qui relèvent de « réalités » davantage que de toute autre chose…

S’il fallait annoncer une Réalité générale, incontestable, celle-ci consisterait à dire que ces démos, quelles qu’elles soient, il a choisi de ne pas

les éditer. C’est un fait. Indiscutable. Une vérité historique comme on appelle cela.

Cette Réalité pourrait être ensuite déclinée en deux réalités…

1) Celle de Michael Jackson l’artiste, le créatif… Celui qui, éternel insatisfait, bourreau de perfectionnisme à l’oreille exigeante, a choisi de ne pas éditer parce qu’il y avait (souvent beaucoup) d’autres premiers choix, plus satisfaisants et efficaces

2) Celle de Michael Jackson l’homme d’affaires, qui a laissé pour sa postérité des opportunités financières d’édition dans des coffres, pour lui permettre de s’assurer une certaine survie pécuniaire.

Une autre (sous-)réalité, plus subtile, se situerait dans la définition du travail de studio, travail d’équipe, de partage, d’émulation de talents et de compétences (quand les conditions intellectuelles et financières le permettent - ce qui est loin d’être une vérité générale - mais ça l’était, personne n’en doute, dans son cas). Cette réalité consisterait à admettre qu’il a toujours ouvert sa porte aux nouveaux talents, laissé fleurir ses créations dans les terreaux fertiles de ceux (producteurs, arrangeurs, musiciens) qu’ils s’adjoignaient et dont il avait l’art de pressentir et d’extraire les nectars créatifs les plus nécessaires au peaufinement de son travail et de ses idées.

Alors je crois qu’il y a ces faits, d’un côté.

Et je crois que le reste n’est que partage, important, nécessaire certes, de points de vue, d’opinions et de goûts personnels.

Ce que Michael Jackson aurait fait de ces démos (il n’en a rien fait, rappelons-le) ne sera jamais ce que nous entendons, aussi cohérent, agréable ou, à l’inverse, irritant et rebutant soit le résultat proposé.

Parce que règne une autre réalité, et, j’ai envie de dire, il ne règne aujourd’hui plus que celle-là, c’est celle de la « nécessité » et de la « réalité » commerciale ¬- sans remettre en cause le respect ou la « fidélité » qu’ont pu chercher à mettre en œuvre certains producteurs.

Business is business. Tout le monde a envie de goûter encore à sa voix, et pour longtemps… Les conditions d’édition sont aujourd’hui plus que jamais à sa subtilité créative ce que la mode est à la beauté d’un corps d’esthète : accessoire… de bon goût ou de mauvais… une mise en valeur ou une banalité parfois même, au pire, affligeante…

J’ai entendu ce matin malencontreusement dans ma voiture (malencontreusement parce que j’attends toujours d’avoir le bon support et les bons outils pour écouter la musique de manière optimale) "Love Never Felt So Good"…

J’ai le tort d’avoir l’oreille accrochée à la démo.

Mais les arrangements sont sympathiques, les contrechants de cordes bien ciselés, avec un contrepoint qui donne un change mélodico-rythmique agréable et tonique à sa voix. La batterie n’est pas écrasante. C’est de la bonne musique disco…

Mon opinion personnelle (ce n’est que cela) consiste à n’avoir que quelques regrets (quelques parce que finalement ça n'est pas tant qu'en d'autres occasions. ..) :

_ sa voix est étouffée dans l’architecture sonore, écrasée, rompant l’intimité subtile que les dosages d’antan savaient lui garder. Parce qu’il ne suffit pas de conserver ses backgrounds vocaux et ses percussions, bruitismes et impacts corporels dans le champ sonore pour créer une proximité subtile avec l’auditeur… Et là, tout y est, mais mis en masse et donc on y perd en précision, en finesse. On sent clairement que la musique est un ajout. Le jeu d’imbrication vocale qu’il savait si bien créer et mener avec les instruments, évidemment, n’y est pas…

_ évidemment encore, avec une esthétique disco comme celle-là, je pense tout de suite à Off the Wall… anachronisme… ça m’a fait sourire… mais c’est pas grave… la musique est bien, dans l’ensemble…

_ et évidemment toujours, en pensant Off the Wall, je m’attends à un « son » Off the Wall….Suivez mon regard ..ou plutôt mon oreille… Et là… L’architecture d’orfèvre minutieusement sculptée ressemble à un coffret de pierres semi-précieuses qui n’auraient pas fini d’être taillées.

_ quant au bridge de cordes qui s’étale et module un peu tristement dans la dernière partie (je vais éviter les termes trop techniques pour ne pas ennuyer), il m’a fait penser à ce que m’a dit un jour Bill Bottrell : « le problème quand on travaille avec Michael, c’est qu’on a tendance, au bout d’un moment, à vouloir trop en faire, on a envie de lui montrer qu’on est à la hauteur, et donc, si on n’y prend pas garde, on finirait presque par dénaturer les idées d’origine, quand il faudrait juste rester simple, être soi, sans surfaire ».Voilà…

Je ne me suis pas précipitée sur les leaks parce que ce n’est pas mon style, pour les raisons évoquées plus haut et parce que j’aime bien écouter les choses quand je suis prête à le faire et que je le décide… alors je n’ai pas d’autres éléments à ajouter…

Je dirais pour finir que ce premier titre, avec la voix, respectée, de Michael, m’a fait penser que l’exaspération des fans à propos du posthume précédent a été entendue. Et qu’une certaine prise de conscience de la nécessité de ne pas faire prendre aux gens des vessies pour des lanternes a, a priori, eu lieu…

Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, les échanges restent possibles, en amont comme en aval…A suivre, peut-être.


Post-Scriptum....

Il est clair qu’on n’est pas obligé de s’offusquer du fait que de l’argent est fait avec tout cela, et se consoler en se disant qu’une partie (trop petite) profite aux enfants de Michael.

L’industrie du disque, comme son nom l’indique est, depuis le début du 20e siècle et surtout depuis les années 1930, une industrie [Qu’on ne s’y trompe pas, la crise du disque pour laquelle se sont battus les artistes au début des années 2000, sur fond de téléchargement illégal, ne visait pas à remettre à flot le porte-monnaie de ceux qu'on croit, ce qui a valu à pas mal de ces artistes, une fois compris qu'on les prenait pour des billes, de se rétracter].

Bref… Michael se définissait lui-même comme un homme d’affaires, et, aux dires de beaucoup, il était plutôt redoutable dans ce domaine.

Pourtant donc… À la fois je trouve qu’on devrait toujours être offusqué de voir des gens se faire de l’argent sur le dos des autres, surtout quand on voit comment sont répartis les dividendes dans ce domaine, entre l’artiste et/ou le compositeur-parolier, les musiciens (qui ne se partagent que 12% du chiffre d'affaires) et tous les cols à tarte ou chemises froissées, autour (qui se répartissent le reste) et, à la fois, je ne fais qu’établir un constat, une lapalissade, sans offuscation puisque ça fait partie du "jeu". Mais il est important de ne pas perdre de vue ce point, le cas échéant. Parce que l’art, dans tout ça…malheureusement… comme dit une émission : « faut pas rêver »…

Toujours est-il que l’on vit dans un monde quelque peu artificiel, ou, pour le moins, non naturel, qui consiste à labelliser sous le nom de Michael Jackson des productions qu’il n’a pas validées. Faut-il s’en offusquer ?

Pour faire une comparaison à peine caricaturale, un grand écart temporel, mais pas si grand que cela en termes de talents (et de personnage)…Je pense souvent au temps de Mozart. Je pense souvent, pour être précise, à l’exemple emblématique du Requiem de Mozart. Le Requiem de Mozart, que tout le monde à peu près connaît ou a déjà entendu (et que Michael appréciait beaucoup et sur lequel il a même fait un moonwalk… j’aurais payé très cher pour voir ça !!), ce Requiem est bien identifié en tant que tel. Pourtant, 25% à peu près ont été écrits de la main de Mozart, parce qu’il est mort avant de finir, et le reste a été terminé par deux de ses élèves. Oui, mais....Pour la plupart des oreilles, cela sonne Mozart. Il faut le savoir, que tout n’est pas de lui... et il est même difficile de deviner ce qu’il aurait réellement écrit, dans les blancs qui ont été complétés par d’autres mains. Faut-il s’en offusquer ?

Mais il faut savoir aussi que ses élèves connaissaient très bien l’écriture Mozartienne, sa manière de structurer les phrases, les carrures, les désinences et modulations, toute cette écriture, somme toute très stéréotypée, du classicisme (que Mozart, à l’instar de Michael pour la pop, a canonisée, en y ajoutant sa touche de génie inimitable).Ce qui a valeur, dans la musique dite classique, ou la grande musique, depuis la Renaissance et surtout l’époque Baroque, c’est la partition. Quand on joue Mozart et tout ce répertoire aujourd’hui, c’est le respect de la partition qui prime. Celui qui fait un faux accent, une contre nuance, est rayé de la liste des bons musiciens. Crime de lèse-majesté. On ne piétine pas la partition, on n’outrage pas. Certes, une part interprétative, dans une certaine mesure, est tolérée, parce qu’on n’a pas d’enregistrements de Mozart, pour savoir comment lui aurait joué. Mais il ne faut pas frôler les limites et être assez instruit pour ne pas jouer Mozart comme on joue Haydn ou Beethoven. Tout est globalement assez figé.

Alors, justement… Aujourd’hui qu’est-ce qu’une partition de pop music (ou de rock ou funk) si ce n’est… un enregistrement. Nous sommes à l’ère du

« son ». Le « son » Rolling Stones, le son Beatles, le son Hendrix, le son Supertramp, le son Peter Gabriel… Le son, c’est l’identité. Le point de référence qui fige et fixe, à notre époque, l’œuvre.Le « son » Jackson, c’est le « son-Jackson ». Un tout. Et même si, pour certains, ce son est emblématique d’un seul album (Thriller ou Bad ou autres) ou d’une équipe de studio (Swedien-Jones vs. Riley ou Bottrell), ce son reste marqué du sceau et de l’identité vivante et en évolution de Michael Jackson (Mozart non plus ne composait pas à 12 ou 18 ans comme à 34 ans). Mais un « son » et une « identité » quelque peu fusionnels, entendus et validés par lui.

Pour ma part, je trouve un point très positif dans cette nouvelle édition. C’est l’adjonction des démos aux versions travaillées. Libre à chacun d’écouter et de choisir ce qu’il aime, au gré du vent, libre à ceux qui le souhaitent d’imaginer, en partant des seules démos, diamants non polis, le champ des vastes possibles jacksoniens, et de ne pas enfermer leur imagination dans une seule et unique version finale qui, aussi intéressante puisse-t-elle être, n’a rien d’ « officiel ».

Pour avoir eu la chance d’entendre une démo - un premier jet de la chanson « Off the Wall » enregistrée par Michael avec une basse, un piano, une batterie, et guitare, si ma mémoire est bonne, dans une version jazz excellentissime loin de la version finale de l’album - je suis aussi pleinement consciente du chemin que peut faire parcourir Michael d’une démo excellente ou même délirante d’intérêt (on pourrait faire directement un « chef d’œuvre » de cette seule démo) à une version finale disco-rock extraordinaire. Deux vies. Des milliers de vie possibles. Qui foisonnaient dans sa tête et dans celle de ses équipes.

Pour donner vie, il faut être plusieurs. Pour donner vie à du « son » Michael Jackson, il faut Michael Jackson. À toutes les étapes du processus, parce qu’il ne partait pas après la ponte pour revenir ramasser le poussin à l’éclosion.Avoir le choix. Il est très bien, au-delà des considérations lucratives, que vive, que revive, la musique de Michael. Qu’elle soit adaptée, en jazz, en samba, en calypso, en traditionnels africains, en a cappella polyphoniques, en heavy metal, que sais-je encore… La musique, comme tous les champs de création, est un domaine ouvert, non discriminatoire…

La musique doit vivre, être restituée avec fidélité, être réinterprétée, être caricaturée avec humour même, mais qu’on annonce la couleur. Que l’on sache de quoi l’on parle…

Le nom de Michael Jackson est, certes, labellisé. Porteur…

Mais, parle-t-on de la musique « de » Michael Jackson, ou de musique « en mémoire » et/ou « dans l’esprit » de Michael Jackson ?La question est là, il me semble, et toute l’ambiguïté des débats.

Beaucoup ont trouvé qu’ "Immortal" avait été conçu avec respect et intérêt. Mais "Immortal" repose sur un projet artistique fondé et cohérent, indépendant et parallèle.C’est peut-être ce qui fait défaut ici, dans la façon dont est livré l’héritage jacksonien. Dans la communication, dans la définition du relais qui est passé, entre les productions qu’il a validées et celles qu’on signe à sa place ou, en tous cas, de son nom, et qui, présentées comme telles, susciteront d’éternelles discussions.

Comme je l’ai souvent dit, il me semble que nous sommes les témoins encore sous le choc et régulièrement chamboulés, d’une ère ambiguë, ambivalente, artificielle, ou en tous cas, non naturelle, une ère où, par la force des choses, on se retrouve assis sur deux chaises en même temps…

Et c’est difficile…

difficile de ne pas s’asseoir…

difficile de choisir sa chaise…

difficile, en étant assis, de ne pas finir par avoir assez vite mal quelque part…


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