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Du roi David (Bowie) au King Michael (Jackson)

Updated: Sep 19, 2021


Depuis ce matin, j’écoute les radios rendre hommage à Bowie. Les critiques, les journalistes, les musiciens… et toujours le même discours, unanime, élogieux, à bon escient d’ailleurs, bien évidemment !

"David Bowie a repoussé les frontières musicales, esthétiques et les catégories humaines." Comme ils ne peuvent, voire ne savent, parler trop techniquement musique, ils se cantonnent, comme souvent et toujours, à l’apparence.



C’est formidable, disent-ils ! Ses excentricités étaient magiques, son look improbable, post-moderne, son image transgenre, androgyne, ont permis de pousser la réflexion, la tolérance, l’acceptation…


Ok, ok, ok… J’adhère complètement. On ne peut pas dire mieux dans ce domaine. On dit (presque) la même chose, à juste titre, de Michael Jackson. Ce sont des co-révolutionnaires, des compagnons d’armes pacifistes, et ce ne sont pas les seuls dans cette armée d’artistes et ce siècle immense en libertés et en innovations.

Mais alors, justement, ce « (presque) »…

Depuis ce matin, j’attends le « mais… » à propos de Bowie, ce même « mais… » qui ponctuait chaque compliment à l’intention de Michael Jackson… J’attends de savoir où il a trébuché, où il a été trop loin... Quand ces braves journalistes et critiques qui redessinent le monde et sa pensée unique et consumériste à la sauce orwellienne, vont-ils donc le clouer au même arbre et le lyncher ?

Eh bien, non. Cela ne vient pas. Et pour cause. (Je me fais l’avocat du diable, rassurez-vous, si vous ne me connaissez pas assez et êtes tentés de prendre ce propos premier degré) David Bowie est l’homme aux multiples visages. Celui qui s’est recréé en permanence. Une œuvre ouverte à même le corps. Et tout le monde trouve cela formidable. Ça l'est. Alors pourquoi n’en a-t-il pas été de même, simplement, de Michael ? N’a-t-il pas fait la même chose ? Eh bien oui. Mais non.

Depuis ce matin, je me dis… je me dis… où est le problème ?

1ère option… David Bowie a bousculé et transcendé les clivages humains… Homme-femme-cyborg, certes, mais il en est un qu’il n’a pu dépasser : celui de la race. Est-ce bien cela le problème ? Ce que l’on reproche à Michael ? Avoir osé (comme s’il avait eu le choix… mais les esprits fermés en restent, à ce jour, persuadés) changer de couleur… Faire un affront à ses origines raciales, les « renier » disent-ils… (Vous savez aussi bien que moi à quel point c’est faux, mais ses détracteurs continuent de s’accrocher fermement à ces arguments honteux et mensongers)

Serait-ce donc, en effet, la question raciale qui vaut à Michael d’être allé « trop loin » dans son image, d’avoir poussé les limites de l’acceptable ? (Reproches raciaux émis contradictoirement par ces mêmes personnes qui disent refuser toute idée de race et qu'il n'existe qu'une espèce humaine...) C’est plausible. Non. Plus que cela. J’y crois. Fermement. Mais la chose à laquelle je ne crois pas, c’est l’idée qu’il ne s’agirait que d’un racisme de base, un rejet puéril de la différence, basé ici sur la couleur de peau.

Non. Je crois (sais) qu’au-delà de ce racisme de surface se cachent des conflits d’intérêt, liés au communautarisme américain, certes. Mais ce qui dérange le plus chez Michael Jackson n’est pas tant sa couleur de peau (modifiée ou pas) que le pouvoir financier qu’il représentait et qui empêchait la machine de tourner rond. Il fallait donc l'arrêter. Il faut donc continuer de le salir. En faire un exemple. Un bouc émissaire. Vomir l'esclavage et les lynchages du passé oui, mais le lapider lui, aujourd'hui, à la vue et au su du monde entier. C'est notre monde. Celui de nos donneurs de leçons.


2e option… Quelle différence y a-t-il entre les transformations physiques de Bowie et celles de Jackson ? Sont-elles comparables ?

Eh bien, je crois qu’on peut les distinguer dans le sens où, pour Bowie, il s’agit davantage de travestissement, de maquillage, de costumes éclectiques et de « look » extérieur, et que, pour Jackson, il s’agit plutôt de transformation physique, à même le corps, qu’il s’agisse de son visage ou de sa peau (sans oublier les cheveux, dont le lissage ou le crêpage joue un rôle fondamental dans le « message » qu’ils délivrent socialement chez les afro-américains). Bowie peut se démaquiller et se rhabiller « normalement » pour apparaître de manière « conventionnelle » à la ville et en privé, mais Michael Jackson, même s’il enlève son maquillage et enfile un pyjama, reste Michael Jackson avec son nez, son menton, ses yeux tatoués, son cuir chevelu reconstitué et sa peau transparente.

On aurait donc le droit de dépasser les limites, mais seulement dans une certaine mesure. À condition de pouvoir faire machine arrière, une sorte de Moonwalk d’apparence qui rassure l’autre comme si on lui disait "non c'était pour rire! Je plaisantais! J'exagérais! Regarde c'est moi je suis toujours pareil n'aies pas peur. Je faisais semblant ..." ? On aurait donc juste le droit de prendre des rôles, de se « déguiser », de transcender donc les catégories genrées et raciales, mais seulement… seulement… en apparence.

Oui… Mais Michael Jackson a été loin. Très loin. Et rien n’est binaire. Son apparence est liée à son psychisme, son enfance, ses complexes, sa vision du monde, sa vision de lui-même surtout. Pas seulement à la scène, à l’exemple, au message, au rôle. Chez lui, privé et public constituent un imbroglio indissociable, indécryptable. Qui angoisse la norme. C'est vrai. Il est un en étant plusieurs. Il est un Tout.

Un idéaliste pur donc, qui incarne, en quelques sortes, et vit, ses idéaux. Mais dans ce monde, on vénère les idéalistes. Du passé. Ceux dont on n'a plus rien à craindre. On adule les grandes idées. Mais faudrait pas les porter trop haut… On vénère la différence… Mais quand ça ne va pas trop loin…

On parle… De là à vivre, à faire…

Bowie a accompli pleinement son œuvre. Jackson a accompli pleinement la sienne. Sans que cela ne retire une once à Bowie et à son oeuvre, que j'admire, respecte et aime inconditionnellement, j'oserais dire que Michael - par sa condition, son identité, et sans que cela soit ni un but ni une fin en soi - a été un peu plus loin sur des voies complémentaires. Et on sait ce que cela lui a coûté.


Je réclame une égalité de traitement, la même que Bowie avait réclamée pour Michael en intervenant auprès du directeur d'MTV en 1982... je réclame une égalité d’ouverture d’esprit, surtout auprès des gens qui se targuent d’en avoir une grande (sauf quand…. sauf si….)

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