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D'Encino à Forest Lawn... Si près de Michael Jackson

Updated: Sep 1, 2021

Michael Jackson, 12 ans au fil de ta voix #11


Le lendemain de ma visite aux studios Westlake était un dimanche de relâche. Mon hôtel n'était pas loin d'Encino et je ne l'avais même pas fait exprès. Nous nous sommes donc arrêtés symboliquement devant le portail du manoir. De la rue, rien ne permettait de voir la propriété. De toutes façons, je ne suis pas d'une nature intrusive.


Après avoir respiré quelques minutes ce même air dans lequel il avait baigné et vécu si longtemps et où sa mère et ses enfants demeuraient désormais, nous nous sommes dirigés vers le Staples Center.

Il y a vraiment quelque chose d'indicible dans le fait de se retrouver dans ces endroits où il était et où je n'avais jamais pensé me trouver, comme si, finalement, ces lieux appartenaient à la fiction... En tournant autour des bâtiments, je ne faisais que revoir, dans ma tête, les images de This is it. Je me disais qu'il avait été là quelques mois plus tôt, que sa voix y avait résonné. J'aurais voulu en entendre les réminiscences... Que les murs me parlent... Que les arbres et les oiseaux racontent ce qu'ils avaient perçu à travers les murs... Impossible d'y rentrer car un match des Lakers devait avoir lieu le soir même. Il aurait fallu payer l'entrée et assister au match pour voir la salle. Alors j'ai tenté quelques prises de vue derrière la porte. Saisir quelques bouts de rangées de fauteuil en me disant qu'ils étaient là et avaient assisté aux répétitions, c'était déjà tellement énorme...

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Puis nous nous sommes rendus au manoir de Holmby Hills, où il avait vécu ses derniers jours. Où, disons-le, il s'était endormi pour ne plus se réveiller...

J'ai longtemps tourné autour de la maison, scruté les fenêtres, celles, supposées, de sa chambre, avec le petit balcon. J'ai marché, fait les cent pas sous ce balcon... J'ai essayé d'imaginer le film de cette dernière nuit, de cette dernière matinée, de me mettre à la place de ces fenêtres, de ressentir leur mémoire... Ce genre de choses est dévorant. Ça vous happe, ça vous "prend la tête", au sens propre du terme. Ça rend fou... J'ai regardé dans les commissures entre le portail et la végétation... La mauvaise herbe commençait à pousser entre les dalles. Sa taille, encore petite, rendait encore proche sa présence, et en même temps, elle signalait tellement son absence... Une voiture était encore là, recouverte d'une bâche, sous le balcon de sa chambre. Elle semblait avoir été oubliée, abandonnée. Je me suis sentie emplie d'un sentiment de recueillement. Je me souviens n'avoir plus eu envie de parler. Je regardais les maisons voisines. Comment pouvait-on avoir été son voisin... C'était possible ? Décidément, je réalisais combien, pour moi, il habitait sur une autre planète depuis toute mon enfance... Et puis, tout à coup, j'ai été interpelée par un détail auquel je ne m'attendais pas : sa boîte aux lettres... Il avait donc une boîte aux lettres ? On pouvait donc lui écrire ? J'aurais donc pu lui écrire ? Tout cela était-il vraiment du domaine du réel ? Bizarrement, cette boîte, que j'ai touchée, scrutée à la loupe, était tout à coup un pavé dans la mare, une inscription dans la réalité, dans des liens possibles, dans une forme de communication tangible entre humains. J'ai repensé à la lettre que je lui avais adressée quand j'avais 10 ans et qui était restée sans réponse. Si, depuis cet âge où j'avais encore un certain bon sens, j'avais grandi en sachant que cet homme vivait sur la terre, j'aurais réitéré. L'écriture est mon mode de communication de prédilection, depuis toujours. Et même pour lui, visiblement, puisque tout a commencé par une lettre et qu'aujourd'hui, même s'il m'arrive de lui écrire parfois et de jeter ces lettres dans la mer ou de les lui envoyer, j'écris surtout pour parler de lui.

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A midi, nous sommes allés vers les studios Universal. D'abord, nous nous sommes arrêtés au magasin "Off the Wall" où il avait ses habitudes. Il venait y acheter des tas de babioles, de petites antiquités. Je n'ai rien osé demander au patron. Il y avait pourtant sa photo sur la porte. J'ai traîné dans les allées, me demandant lequel de ces objets était déjà là l'an passé et avait pu croiser son visage... Tout cela était tellement surréaliste...


Arrivée à Universal, j'étais tellement déphasée que je n'avais même pas imaginé me retrouver dans certaines des allées où il avait tourné "Moonwalker". Quel vertige.... On y a pourtant perdu tellement de temps. Je me fichais de manger, de trouver un restaurant. Moi, ce que je voulais, pour boucler la boucle, c'était aller à Forest Lawn. J'étais tellement sûre qu'il ne s'agissait que d'une formalité, que je l'avais déjà tellement rencontré partout où j'étais passée... Pourtant l'heure tournait et, étant accompagnée, je n'étais pas libre d'aller où je voulais. J'en avais assez d'attendre sur ceux qui étaient avec moi et j'ai fini par aller à la rencontre d'un chauffeur de bus pour lui demander s'il était possible de trouver une ligne pour y aller ou si je pouvais y aller à pied... Il a ri. Non pas de bus. Quant à y aller à pied, c'était sans compter sur le fait qu'il fallait traverser la freeway et j'aurais mis pas mal d'heures avant d'y arriver. Décidément, je ne me rendais pas compte... Cette ville est une immense toile d'araignée dont les plus grandes avenues dépassent la centaine de kilomètres...


Lorsqu'on a enfin fini par en prendre le chemin, on s'est trompé de cimetière. Je ne savais qu'il y avait plusieurs Forest Lawn. On est arrivé à Hollywood Hills où on nous a finalement indiqué la bonne adresse, à Glendale. Résultat : encore 40 minutes de voiture. Quelle immensité... quelle angoisse...

Nous sommes arrivés à 17h30 et le cimetière fermait vers 18h. Je me suis d'abord arrêtée à la boutique de l'entrée. Je voulais lui apporter une bougie, un présent, quelque chose... J'ai pris des bougies, deux petites broches en forme d'angelot blanc et deux chapelets rouges (un pour lui et un pour moi). Je n'avais jamais circulé en voiture dans un cimetière. Son mausolée était tout en haut et il y avait quelque chose de reposant, d'apaisant et presque de joyeux à sillonner cet endroit qui ressemblait plus à un jardin qu'à toute autre chose. Ça et là, des familles étaient assises sur l'herbe, des enfants jouaient au ballon... On aurait crû un parc. Pas un cimetière. J'avais toujours eu des doutes sur ce concept de cimetière-jardin, mais là, tout à coup, j'ai été comme convaincue. Il ne semblait pas y avoir de place pour la triste ou l'apitoiement. Pour la prière oui. Pour faire un lien avec la vie et l'avenir, vivant, oui. C'était apaisant.

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J'ai sonné à la porte d'un immense monument. Mais, évidemment, une voix à l'interphone m'a répondu que je n'étais pas du bon côté. Il me fallait faire les derniers mètres à pied. Quel chemin... Il était 17h40. J'avais fait 9000 km, attendu toute la journée, et j'avais devant moi 20 minutes. Je repartais le lendemain matin, en plus, par le premier avion, vers la Floride. Mon cœur battait la chamade.

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En prenant le virage et en longeant l'église, j'ai su que j'étais arrivée. J'ai vu des jeunes assis devant la porte vitrée, un Coca à la main, discutant comme on le ferait sur un banc public, gaiement. Je ne me suis pas approchée tout de suite. Plus loin, sur le sol, jonchaient des tas de photos. Je l'ai reconnu.. C'était lui, il était là. Mon cœur a fait un bond. Je me suis approchée. J'ai regardé chacune des photos. Elles étaient déposées par des fans, des familles. Il y avait des photos d'enfants, de bébés, des prières manuscrites pour lui demander de soigner tel enfant, de sauver tel bébé, de prendre soin de telle ou telle famille. J'ai été renversée. C'est comme si tous ces mots, toutes ces photos, m'avaient ouverte en deux. J'ai posé mes bougies. J'avais apporté mon mémoire sur sa voix. Je lui ai déposé. Ainsi qu'une lettre, le petit angelot et le chapelet. Je savais que régulièrement, les objets, photos et messages lui étaient apportés à l'intérieur. Qu'à un moment donné, mes objets allaient être tout près de lui. Je commençais à trembler....

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Je me suis approchée de la porte du mausolée. On ne pouvait déjà plus y entrer. Quelques mois avant, des fans avaient tagué l'intérieur et depuis, l'accès était interdit. J'ai saisi les barreaux de la porte, collé mon visage à la vitre. Il me semblait voir sa chapelle au fond, tout droit, et l'ombre de sa sépulture à contrejour. Les jeunes continuaient à discuter, à plaisanter, tout à côté de moi... Ils m'ont maintenue en vie. Pendant un instant, j'ai cru que j'allais m'évanouir là. Tout était trop fort, comme un cyclone, une chute depuis un avion, une brisure jusqu'au cœur de la Terre. Je me suis forcée à les écouter rire et à me dire que c'étaient eux qui avaient raison. Ils lui tenaient compagnie et le faisaient, en quelque sorte, assister à leurs conversations. Ils faisaient continuer la vie autour de lui, comme on visite un ami. Ses jambes se sont mises à danser devant mes yeux alors que je vomissais, jusque-là, l'ineptie de leur immobilité morbide quand j'y pensais. Et je me souviens avoir dit: "La dernière fois que j'étais aussi près de toi, c'était il y a 22 ans". Quel gouffre...


Je suis retournée vers la plateforme où étaient les photos. Une femme ajustait quelques fleurs. J'aurais voulu me jeter sur elle, me jeter dans ses bras tant un sanglot m'a soulevé le cœur, comme une vague qui allait me noyer. J'ai titubé. J'ai vu ma mère un peu plus loin, mon mari. Je me suis dit que je ne pouvais pas tomber là, ni rien montrer, car je ne me serais pas relevée. Et puis, qui aurait compris? Cette vague restera gravée en moi tant elle était forte. Je n'avais jamais ressenti cela avant.

J'ai fait quelques pas et regardé l'arrière du cimetière. En contrebas, c'était le secteur des enfants. J'ai repensé à ce qu'il avait dit : il voulait être enterré près d'enfants, ça le rassurerait. Au moins, cela, ils avaient respecté cela. Ça m'a apaisée.



Il y avait là un grand magnolia. Une fleur est tombée à mes pieds. Je l'ai ramassée. J'ai voulu y voir un signe. Elle est toujours dans mon exemplaire de "Dancing the Dream".



Je suis redescendue de l'autre côté. Une jeune femme afro-américaine était allongée sur l'herbe. Elle lisait un livre sur lui. Je me suis rendu compte qu'elle était tournée vers la chapelle où il reposait. Il était bien là, juste au-dessus de nos têtes. Nous avons échangé quelques mots avec elle. Je ne comprenais pas tout ce qu'elle disait mais elle a raconté qu'elle venait là tous les dimanches, s'allonger dans l'herbe à côté de lui et lire. Elle lui tenait compagnie. Petite, elle s'était retrouvée non loin de lui, alors qu'il sortait d'une voiture à Los Angeles, mais elle avait été tellement intimidée qu'elle avait refusé de l'approcher. Elle regrettait. Elle compensait ce rendez-vous manqué comme cela. J'ai regretté ensuite de ne pas lui avoir demandé son email. J'aurais aimé qu'elle m'envoie une photo, chaque dimanche. J'aurais tellement aimé être avec elle, faire comme elle... J'y suis souvent allée par procuration. Par la pensée. En visualisation. Mais... comment dire... Vous comprenez... Une fois qu'on y a mis les pieds "pour de vrai" et qu'on a ressenti ces tsunamis, aucune visualisation ne vous rapproche à ce point...




Et puis, pendant qu'on discutait, tout à coup, j'ai entendu une voix dans ma tête : "C'est facile ce que tu fais. Tu as acheté des choses, tu les as déposées là, mais où est le sacrifice, où est la part de toi-même ? Il faut que tu déposes un bout de toi. Quelque chose qui compte, auquel tu tiens." J'ai entendu cette voix dans ma tête comme si quelqu'un me parlait. J'ai levé instinctivement la tête vers sa chapelle. Cette idée venait de nulle part, elle n'existait pas 10 secondes avant. C'était un choc.

Alors je suis retournée près de sa porte, sur la plateforme où étaient déposés les messages et les souvenirs. J'avais à mon poignet deux bracelets qui m'avaient accompagnée toute l'année. Et cette année, depuis sa disparition, avait été tellement difficile, y compris sur le plan familial... Ces bracelets étaient les mêmes que les siens. Je les avais achetés auprès de celle qui les lui avait offerts, dès 2004, et qu'il portait et qui avait fondé MJJInnocenceBracelets. L'argent allait aux œuvres et chaque bracelet représentait un thème ou un moment de sa vie. Avoir la copie de ses bracelets à mon poignet, c'était avoir des bouts de lui, c'était voir son poignet à la place du mien. Je ne pouvais pas imaginer mon poignet sans. Je ne pouvais pas me séparer d'eux. Ils avaient capté toutes mes émotions, toutes mes turpitudes, tous mes moments de joie aussi, durant tous ces mois. Mais je l'ai fait. Cela m'a arraché le cœur, je vous assure, et cela peut sembler ridicule, mais j'ai senti que c'était bon. Que je répondais à un appel. Je ne sais pourquoi quelque chose m'avait dit de laisser ces bracelets là, avec lui, mais y répondre était une nécessité plus forte que tout. Je ne sais pas, avec le recul, quel sens donner à ce geste et, même si sur le coup il m'a semblé que cette voix, dans ma tête, venait de la chapelle juste au-dessus de ma tête, je ne vois pas pourquoi ce serait lui qui aurait parlé ni demandé une telle chose. Mais sur le coup et longtemps après, cela m'a paru une évidence, un miracle même.


Quand nous sommes repartis, j'ai crû mourir. J'ai pleuré en silence durant les 45 minutes qui nous séparaient de Venice Beach, où nous sommes allés faire un tour. Quel intérêt d'aller là, sur une plage touristique quand j'aurais tant voulu rester avec lui ? Toute la soirée, j'ai été déchirée d'être si près de lui sans pouvoir le voir, en sachant que je ne pourrais y retourner, qu'il fallait partir quelques heures plus tard. Quelle douloureuse déchirure....

J'en souffre encore aujourd'hui. Tout cela a un tel goût d'inachevé. Avec les années, rien ne s'est apaisé. Je rêve d'y retourner et, surtout, d'y aller seule, cette fois. D'être libre de passer autant de temps que je veux. Libre de pouvoir y retourner le lendemain, puis le surlendemain... Que ce ne soit pas une visite minutée et unique. Je veux avoir le temps de lui parler. De lui dire tout ce qu'il représente.

Quand je pense que c'est le dernier endroit où je m'attendais à le trouver... Il avait été si vivant, à mes côtés, tous ces mois, depuis son départ, que je ne pouvais imaginer le "trouver" dans ce cimetière. Même si son âme et son esprit vivent, pour moi, au quotidien et pas seulement "dans la mémoire", comme on dit, être si près de son corps a créé un tel tourbillon, un tel vertige, un tel choc émotionnel, physique et psychologique que j'en reste marquée. Tout cela résonne aujourd'hui comme un appel. Une nécessité d'y retourner. Non loin de fermer une page, cette visite a ouvert un livre, a créé un besoin, m'a inoculé un aimant, un fil attaché à mes poignets, mes chevilles, à mon cœur. La seule chose que j'ai pu faire, depuis, c'est de lui écrire là-bas, plusieurs fois. Je lui ai adressé des lettres qu'on lui a peut-être apportées, je lui ai envoyé des fleurs. C'est un premier réconfort.


J'espère qu'un jour prochain, je pourrai y retourner et si, à ce moment-là, il est, en plus, à nouveau possible d'entrer dans sa chapelle, ce sera encore plus violent, encore plus vital.

Je ne sais qu'une chose. J'ai rendez-vous avec lui et ce rendez-vous attend depuis 11 ans maintenant. C'était le 7 août 2011. Comme aujourd'hui où je vous livre cette histoire qui m'est chère, parce que de l'ordre d'un intime que je dévoile rarement. Drôle de signe...

Michael, je crois que nous avons pas mal de choses à nous dire... Je reviendrai... Puisse le Ciel me permettre de revenir... With love... L.O.V.E.




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